Cachez-moi ces rides, d’illustres invités arrivent…

16 décembre 2019

Cachez-moi ces rides, d’illustres invités arrivent…

Des ouvriers dans les rues, des « machines et du nouveau bitume un peu partout pour « raccommoder  » notre réseau routier. Comme des tonnes de couches de fond de teint et de fards à paupières. D’illustres invités arrivent, faut cacher rides et hématomes.

CP: Mairie de Bouaké

Ahhh 2020, tout le monde « il a beau » tout le monde « il a bien »¹. Chez moi, désormais tous les anniversaires de quartiers ont droit à des parrains 15 étoiles.
Que dis-je, pas tous, seulement ceux qui portent une étiquette.
De nombreux concerts offerts pour distraire une jeunesse « hybride » en quête de son identité. Alors que le « constructif » est ignoré… Des activités qui sous d’autres cieux auraient retenues l’attention, restent ici, orphelines, victimes de leur « non-appartenance ».

En Mars 2019, les Amis de la Ville de Bouaké (AVB)² lancent l’initiative « Challenge Accepted ». Des jeunes de tous bords se mobilisent, des passages à des émissions TV et radios telles que C’Midi ou Rien à cacher (radio Nostalgie) sont effectués.
Pour maintenir la flamme, pour appuyer cette mobilisation, de l’aide est demandée aux autorités locales, ONG et personnalités de la ville.
Certains y répondront avec enthousiasme, quand d’autres feront mine de ne rien voir. Ça n’empêchera pas le mouvement de continuer mais difficile d’avoir un impact plus grand quand ceux qui sont censés soutenir ces actions sont aux abonnés absents. Tant bien que mal, le mouvement continu en s’adaptant à notre contexte bouakois.
Mais voilà que la belle « 2020 » se rapproche, le besoin de se faire voir sous des angles « verts » également. Alors des associations de quartiers sont réveillées qui luttent contre l’insalubrité « une première à Bouaké  » dit-on😅. Elus locaux et cadres intéressés se mobilisent, soudain épris « de vert ». Chacun oeuvrant pour la paternité de ce « nouveau Bouaké propre ». Combien de temps va durer cet intérêt ? Wait and see…

Des usines qui n’existent plus que de noms, des bâtiments tombés en désuétude. Gonfreville fonctionne au presque quart de son potentiel. Fibako est mort. Et j’en passe. Rien de nouveau et de concret pour booster « la vieille » depuis plus de 15 ans.
Une arthrose politique lui paralyse le faciès, ne laissant entrevoir au voyageur qui la traverse, qu’un visage morne. Des façades repeintes de poussière. Aucun attrait véritable pour le voyageur qui traverse la ville.
Près de 20 ans qu’elle se meurt ma ville.
Chacun y a pris sa part, ils l’ont chevauché jusqu’à satiété.
Après la crise, d’autres villes s’en sont sorties avec un nouveau visage parce que leurs enfants ont su les relever.
Bien difficile pour ma belle qui a eu à nourrir bien plus d’ingrats et de profiteurs que d’enfants reconnaissants.
Alors que 2020 s’annonce, l’amnésique torpeur qui s’était emparée de « ses fils », semble pourtant avoir disparu. Du moins en apparence… On veut la draper de tenues coûteuses et l’emmener virevolter aux sons de musiques décalées. On veut cacher son corps meurtri, voiler les abus qu’elle a subi. En témoigne ce revêtement des principales artères de la ville, quelques jours avant une visite officielle du Président de la république et de son homologue gaulois.


CP: Pixabay

On veut construire du semblant sur du faux. À croire que les populations sont ignares et ne méritent qu’une attention de circonstance. Cette même population qui ira dans quelques mois faire le choix de son prochain bourreau. Formatée, éduquée depuis des lustres à suivre et à prendre le peu qu’on lui jettera. Rien à changé, pis, rêver à un coût aujourd’hui.

Qu’est-ce qu’on fait de cette frange de la jeunesse qui s’est souvent construite sur des « anti-models »? Éducation bâclée, formation inexistante pour certains, quand d’autres ne savent pas comment s’orienter, perdus, des diplômes sous le matelas.
Ma ville, il faut l’avoir connu avant et la pratiquer aujourd’hui pour comprendre qu’elle vaut bien plus que de l’or. En son sein, la qualité n’est pas une option, c’est la norme.
Ils sont pourtant nombreux à la dénigrer, lui prêter l’origine de biens de troubles… D’autres la trouve laide car bourrée d’engins à deux-roues, en oubliant que c’est l’héritage à elle légué pour tous les « services arrachés » lors de ces années de crise. Il fallait bien se déplacer, trouver à manger… D’autres en n’ont peur.

Mais nous sommes là, avec elle, ne pouvant nous résoudre à l’abandonner. Convaincus qu’elle retrouvera fière allure. Nous y travaillons en tout cas. Rude et ingrate bataille, espérons et prions juste que la hargne et l’enthousiasme ne nous quitte jamais.
Que combat après combat, il en reste toujours pour reprendre le flambeau.
On y croit, on s’affaire à grandir tous nos petits évents en de grandes choses. Parce que c’est chez nous et c’est par nous que soufflera le vent nouveau, celui qui balaiera les blessures du passé, celui qui fera tourner la roue dans le sens du développement durable de notre belle.
Oui oui c’est normal, on ne peut pas tous attendre 2020 pour éprouver un subit amour ou démontrer de l’intérêt à cette ville.
On était là quand elle est « tombée », on sera là après les promesses non tenues.
Tout ce qu’on peut faire, on le fera parce que c’est chez nous et qu’on lui doit bien ça.


Matagaly

¹ expression détournée pour dire que tout va bien, que la vie est belle.

² Une plateforme née en 2012 et qui se veut forte de 89000 membres. Ce sont des personnes, des entreprises, des institutions et ONG qui ont en commun la ville de Bouaké.

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Commentaires

Annick Kouame Camara
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Merci Mata, j'ai adoré te lire. Merci pour les conciences que tu éveilles , ce combat, nous le ferons...